Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 3 novembre 2017

« El Chapo » et les avions




La capture, pour la troisième fois, le 8 janvier 2016, de Joaquín Archivaldo Guzmán Loera dit « El Chapo », est restée dans toutes les mémoires.  Son extradition aux USA le 19 janvier 2017 a mis fin à tous ses espoirs de retrouver la liberté, lui qui s’était échappé deux fois au Mexique.  Pour l’en empêcher, les hommes d’El Chapo avaient auparavant assassiné le juge qui la préparait (1).   L’occasion aujourd’hui pour nous de revenir sur sa traque, et de décrire son empire, qui continuera, hélas sans lui.  Les mois prochains ont devrait assister à une avalanche de crimes supplémentaires, un royaume sans roi attirant souvent les prises de pouvoir de roitelets en puissance désireux de marquer leur territoire.  Mais davantage que l’homme, ce que je vais vous décrire dans cette nouvelle saga, c’est surtout l’impuissance d’un Etat, voire de plusieurs, à juguler le fléau de la cocaïne, comme on va le voir en détail…

Cela a commencé il y a bien longtemps, bientôt une trentaine d’années au minimum pour celui qu’on a surnommé El Chapo en raison de sa petite taille (cela signifie « courtaud », ce qui est aussi propice à voyager dans les tunnels…).  Le 5 octobre 1992, les enquêteurs du bureau du Procureur spécial sur la piste de l’associé de Miguel Ángel Félix Gallardo, le parrain du cartel de Guadalajara, à savoir de Joaquín Guzmán alias El Chapo, se rendent dans un hangar officiel de l’aéroport international de Mexico. Dedans, il y a deux avions Learjet de modèles différents (un 25 et un 35).  Il appartiennent à Aerobasto SA, appartenant aux deux frères Mario et Olegario Vazquez Rana, deux industriels originaires de la municipalité de la localité d’Avión (ça ne s’invente pas).  Des industriels plutôt étranges surprenant, à l’époque, puisqu’ils font alors faillite sur faillite avec leur chaînes de meubles appelée K2 mais qui survivent car ils ont bénéficié aussi de contrats juteux signé par le ministère de la Défense nationale; et ce durant tout le temps notamment où Luis Echeverria Alvarez était resté au pouvoir (de 1970 à 1076), et ce pendant la période terrible où le pays est secoué toutes les semaines par des attentats provoqués par l’extrême gauche.  On les soupçonnent déjà de s’adonner au narco-trafic grâce à leurs avions (Guzmán sera capturé en 1993 au Guatemala et expédié en prison au Mexique dont il s’évadera une première fois en 2001).

Un hangar « historique » celui du « roi du ciel »

Les enquêteurs tombent en effet un peu des nues quand ils découvrent qu’il est situé juste en face de celui du bureau du Procureur général de la République (PGR), qu’il est également très proche du hangar présidentiel et aussi de celui du Secrétaire de la Marine.  Dans l’aéroport, un terminal discret permettait en effet aux vols privés de se poser dans l’espace réservé aux militaires ».

« À la surprise des membres qui ont mené l’opération dans le hangar de la Rana Vázquez, l’endroit a été utilisé non seulement par des entrepreneurs, mais aussi par Amado Carrillo Fuentes (leader du cartel de Juárez, surnommé le « Seigneur du ciel » (2) car ce fut le pionnier de l’utilisation du Boeing 727 pour les envois énormes de cocaïne de la Colombie au Mexique) Joaquin El Chapo Guzman (le chef du Cartel de Guadalajara) et Hector El Giiero Palma (l’associé de Miguel Ángel Félix Gallardo, alias « le Parrain », qui contrôlait le cartel de Guadalajara avant que Guzman ne prenne la main dessus (en photo, à droite;  le Learjet qu’empruntait Pablo Escobar, qu’admire tant El Chapo qui rêvait de lui ressembler en bien des points).  « Ils y garaient leur avion et y  chargeaient et déchargeaient des drogues et de l’argent.  Plus tard, on découvrira que ces trafiquants de drogue occupaient également des hangars dans les villes de Puebla et de Culiacan ».  Les enquêteurs notent le nom d’un des pilotes sur place, qui s’appelle Carlos Enrique Messner, et qui citera lors des enquêtes ultérieures, parmi ses passagers les plus fréquents, les noms d’ Alfredo Trueba Franco, Mario Alberto Gonzalez Trevino, tous deux narco-trafiquants.  Selon l’indispensable  livre « Les Senores Del Narco« , d’Anabel Hernandez en novembre 1991, ce sont les frères Reynoso Gonzalez (Antonio ayant comme surnom « El Ingeniero », car c’est aussi le spécialiste de la construction de tunnels) qui avaient déclaré au nom de l’une de leurs deux entreprises les Lear Jet 25 et 35 comme étant détenus par Aeroabasto SA (les modèles étant immatriculés XA-RVB et le XA-RXB).

Les habitudes tunnelières d’El Chapo


La famille des frères Reynoso possédait une entreprise d’import-export alimentaire à Los Angeles.  Pratique, pour y dissimuler la coke : en 1993, sachant que l’objectif était de stocker de la cocaïne à vendre aux États-Unis, selon les notes de son procès.  « Reynoso a admis avoir payé un homme pour louer un entrepôt au Mexique sous le nom de société Distribuidores de Basicos en 1993.  Environ 7,3 tonnes de cocaïne y avaient été chargées dans environ 400 cartons de poivriers « La Comadre » et devaient été emmenées dans un entrepôt, mais elles ont été saisies par les forces de l’ordre mexicaines sur leur trajet, selon les minutes de son procès.  Reynoso a également admis avoir organisé un envoi de cocaïne de 390 kilogrammes caché dans une chaudière transportée de Los Angeles à Chicago en 1994. 

La charge a été saisie à Chicago une fois qu’elle était arrivée.  Reynoso avait organisé l’expédition ».  Fait notable, déjà (comme quoi notre trafiquant est du genre plutôt répétitif) :  « L’acte d’accusation a accusé les deux frères Reynoso, José et Jésus Reynoso, d’obtenir un entrepôt pour l’une de leurs entreprises alimentaires à Otay Mesa, afin qu’un tunnel de drogue puisse être construit en dessous, indique l’acte d’accusation.  Lorsque Guzman a été arrêté en 1993, les autorités ont trouvé une carte dans une de ses villas protectrices qui menait à la découverte du tunnel presque complet.  Il se terminait presqu’à l’entrepôt d’ Otay Mesa de l’entreprise Reynoso.  (Il était trop court parce que les constructeurs de tunnels avaient compté apparemment sur une mauvaise carte du comté.) »  Adroits, mais pas si dégourdis que ça, les truands autour d’El Chapo !

Les deux Learjet livreurs de coke



Les deux bi-réacteurs ont été saisis, mais pas dans le même pays.  Le Learjet XA-RVB, ex Fidelity Union Life Insurance Company (N14TX) , Fidelity Union Life Insurance Company, Lincoln Aircraft Company Inc, et Jet East Inc (N77LP) était devenu Aeroabasto S.A. puis Reynoso Brother Inc (on ne pouvait être plus clair), saisi sous ce nom, sera versé en 1994 à la Drug Enforcement Agency-Gobierno del Estado de Veracruz (XC-AA60) puis dans l’armée de l’air mexicaine sous l’immatriculation P-106 et après« 3909 » pour devenir aujourd’hui XC-UJG. 

Son confrère, le XA-RXB, a été lui saisi, mais par les américains, en 1994 également, à Grocery Depot Inc, autre paravent américain d’Aeroabasto S.A. Il est redevenu américain (N1411S, N2U) puis… mexicain en XA-TBV pour redevenir américain N325JB chez JetBlue Airways (pour enfin finir mexicain, en XB-HGE en 1998 et XB-GCP en 2007, ici pris en photo le 2 février 2008 au Benito Juarez Internacional de la ville de Mexico).


Les deux avions saisis donc en 1994, des deux côtés de la frontière !  Selon les informations rassemblées par le procureur, les deux avions avaient effectivement bien été utilisés par El Chapo Guzman pour «transporter de l’argent des États-Unis au Mexique et des drogues de l’intérieur du territoire mexicain vers la frontière, pour être ensuite apportées aux États-Unis».  Précisément ceux qui opéraient depuis le hangar de Rana Vázquez». Vingt-cinq ans plus tard, les Learjet d’El Chapo semblent bien loin.  Très loin.  Car on semble tout avoir oublié ou tout effacé des mémoires, depuis : le même Vazquez est devenu plus tard responsable d’un véritable empire économique, le propriétaire notamment de Grupo Empresarial  de Los Angeles, un conglomérat ayant des intérêts dans le secteur hôtelier (tel l' »Hoteles Camino Real« , ici sur l’aéroport même de Mexico !), les médias (Excelsior, Grupo Imagen), ou bancaire, via Banco Multiva.  Au sommet de sa gloire, il présidera l’Organisation sportive Panaméricaine.


Il préside même aujourd’hui la Fédération internationale de tir sportif et il est aussi membre du Comité international olympique (il a été lui-même même de l’équipe mexicaine de tir aux Jeux Olympiques de 1964 à 1976). Remarquez, ces derniers temps ce n’est plus vraiment un gage de probité… C’est aussi le grand ami de Carlos Slim (fils, faut-il le rappeler, de parents libanais), avec qui il joue parfois aux dominos, entre deux vols de « jets », lui-même le second actionnaire, désormais, du New-York Times, depuis 2008. Aujourd’hui Gregorio Olegario Vazquez Rana (il a perdu son frère Mario) vole en Bombardier, l’immense Global Express XA-OVR. Oubliés, les deux Learjet !!!  Oublié également le pilote Messner : son dossier est désormais introuvable dans l’administration mexicaine !  Ce n’était même plus une collusion, à ce stade. C’était… flagrant.


D’autres jets ont été achetés par des prête-noms de Guzman


Parfois, c’est pur hasard que de découvrir des liens entre politiques et narco-trafiquants.  Cela je vous l’avais dit ici-même le 4 août dernier : « en étant intrigué par le vieux Sabreliner (306-129 de 1977, ex N60ML, – ici à droite-  N95RC, N749UP et N2144J au départ) annoncé en vente, et immatriculé XB-ULF, on découvre qu’il a été acheté en 2005 par un dénommé Tomas Yarrington, l’ex-gouverneur de l’Etat de Tamaulipas de 1999 à 2005, à la frontière avec le Texas, avec l’argent de primes offertes par le Cartel du Golfe, alors le plus puissant au Mexique.  Un grand jury l’avait condamné (en son absence) à Corpus Christi au Texas.  Selon les charges, Yarrington avait déjà commencé cette relation avec les trafiquants de drogue alors qu’il était maire de Matamoros, sur la frontière US » (encore plus étonnant, il a sévi des DEUX côtés de la frontière !!!). « « L’acte d’accusation de 11 points dit que Yarrington en outre, a été suspendu du PRI en mai 2012, et qu’il a été impliqué dans la contrebande d’expéditions en vrac de cocaïne à travers le port du Golfe de Veracruz aux États-Unis entre 2007 et 2009 ».  Mais il y a mieux encore à découvrir ! Deux autres absents avaient eux aussi été condamnés avec lui : Hector Javier Villarreal, ex-secrétaire des finances de l’Etat de Coahuila et un dénommé Jorge Martin Torres ancien gouverneur par intérim de l’Etat, tous deux condamnés « pour fraude, vol et transferts illégaux de fonds » .


Or Jorge Martin Torres, celui qui avait acheté le petit Cessna des fils Guzman, n’est autre que le financier de l’avion qu’El Chapo voulait  acheter aux USA, un Rockwell Commander International 690B immatriculé N690WT. Et il avait donc déjà été condamné aux Etats-Unis en 2013 !!!!  On pouvait y ajouter au passage un autre avion : « l’acte d’accusation comprend également un avis de confiscation. Certains actifs identifiés dans l’acte d’accusation ont déjà été saisis par les États-Unis dans les actions de confiscation civile au cours de l’enquête, y compris environ 46 acres dans le comté de Bexar, une villa sur l’île de South Padre, un avion Pilatus de 2005 et des résidences à Hidalgo et dans les comtés de Hays ». Le Pilatus, quel que soit le modèle est un appareil qui sait se poser sur des pistes de terre, on le sait.

Des liens flagrants avec le pouvoir


Les liens avec le pouvoir mexicain des des deux frères multimillionnaires sont évidents  : « dans la mythologie qui entoure les deux entrepreneurs, il y a deux événements mémorables. En 1998, Manuel Fraga, a fait un voyage institutionnel au Mexique. Là, il a rencontré le pouvoir de Don Mario dans son manoir avec soixante-dix gardes du corps répartis sur 40 000 mètres carrés de domaine. Le voyage de Fraga a coïncidé avec l’ouragan Mitch, qui a contraint l’ex-président décédé de la Xunta (cf  la Junte de Galice)  à suspendre sa visite officielle au Guatemala. 

Cependant, l’avion de Vázquez Raña est venu à la rescousse pour permettre à Fraga de se déplacer » . Le second événement étant la perte en une seule journée de plusieurs millions de dollars par Rana Vázquez en raison de placements financiers douteux.  Mais il y a aussi un côté bien plus sombre à l’usage de cet espace.  Bien plus tard, en 2014, disparaissent 43 étudiants issus de l’Ecole Normale Rurale de Ayotzinapa, le 26 septembre 2014, dans la ville d’Iguala, dans l’État de Guerrero, au Mexique.  S’en suit une sombre histoire d’accusations contre le maire de la ville et sa femme, les policiers et des groupes mafieux des Guerrero Unidos étant visés également.  Or lors de l’enquête, le fameux hangar des frères Vazquez Rana a été à nouveau cité.  A ce jour, on a toujours pas retrouvé l’ensemble des disparus.  On a à nouveau tout « effacé » comme en 1992 : « L’enquête menée par le bureau du Procureur spécial a eu de graves conséquences. 

Le groupe d’enquête a été dissous quelques jours après l’opération à l’aéroport, et chacun des membres a été envoyé à des commissions absurdes dans d’autres États de la République ».  La collusion a toujours existé, depuis au moins 1992, sinon bien avant !!!  Au point d’oublier l’épisode du hangar de 1992 !  Un hangar qu’Anabel Hernandez lie directement au pouvoir que gérait El Mayo Zamada (Ismael Zambada García ) celui-là même installé dans l’aéroport international de Mexico, avec la connaissance et la tolérance à la fois du ministère des Communications et des Transports et de l’administration mexicaine… car selon elle, si Joaquin Guzman Loera alias El Chapo est devenu un grand seigneur, c’est aussi lié à un processus de décomposition de l’Etat dans lequel sévit « la corruption et l’ambition excessive de l’argent et du pouvoir ».

Une vieille histoire, déjà



Le trafic est en effet une vieille histoire, initiée on le sait à coups de Caravelle et de Boeing 727 par le Cartel de Medellin, mais d’autres moyens de transport ont été déjà à l’époque utilisés. Escobar est mort le 2 décembre 1993 à Medellín, mais le trafic a continué sans lui comme le dit ce rapport de 1997 , surtout par voie maritime (ici à droite la carte des trajets de coke), et la corruption en même temps à augmenté : « .. suite à la détention par la drogue colombienne CIA Jose trafiquant Castrillon Henao, qui aurait dépensé 51 000 dollars américains pour la campagne du président panaméen Ernesto Pérez Balladares, les agences de renseignement américains ont découvert une autre route maritime du Cartel de Cali, qui reliait le port de Balboa, dans le pays de canal avec Ensenada, Basse-Californie (Mexique territoire de l’entente d’Arellano Felix), dont les destinations finales ont été San Diego (Etats-Unis), au Canada et en Europe (Espagne, France et Italie).


Dans les ports de Balboa et Ensenada, les navires ont été reconditionnés avec double fond pour transporter la drogue. L’enquête a permis d’identifier un certain nombre de navires et des compagnies qui ont servi de couverture pour l’alliance des frères Rodriguez Orejuela Arellano Felix, y compris Carimar, Cyprès, océan Pacifique et la pêche à Saint-Thomas, et les bateaux à Vizcaino et Fori, tous les biens Castrillón Henao et le Mexicain Manuel Rodríguez López, principal actionnaire du Grupo Pesquero Rodríguez, en Basse-Californie. Une autre enquête menée par la DEA et le procureur général des États-Unis, qui faisait partie de l’opération appelée Cornerstone, indique que, depuis 1991, le cartel de Cali ont contacté le mexicain Oscar Malherbe (capturé en février 1997) et José Luis Medrano (également emprisonné) – Les deux lieutenants de Juan Garcia Abrego, ancien chef du Cartel du Golfe arrêté en 1996 et extradé sommairement aux États-Unis, où il purge actuellement une peine à perpétuité dans une prison de Houston-, qui est accusé de vouloir introduire 200 tonnes de cocaïne par les douanes de Miami« . On en était déjà à 200 tonnes en 1997… Le 16 août 1997, le New-York Times confirmait le trafic avec un titre incisif « Dans les ports US, le trafic de drogue est en train de devenir un « inside job »…  selon lui, à l’époque, les douanes US étaient complètement dépassées.  Les garde-côtes US ne possèdent que de vieux navires datant de la seconde guerre mondiale, repeints des dizaines de fois (ici le Tamaroa, construit en 1946 et décommissioné en 1994 seulement )

La voie maritime privilégiée au bord des années 2000


« En juillet 1995, » continue le même rapport, « l’Institut national de lutte contre la drogue (RIDC) du Mexique après la prise du général Gutiérrez Rebollo »(général de division de l’armée mexicaine, il a été incarcéré pour liens avec le crime organisé, et notamment avec Amado Carrillo Fuentes, chef du cartel de Juárez, il est ici à droite « en civil » et là en général) « a confirmé que l’ensemble de la flotte de pêche à la crevette de l’Etat de Sinaloa, à la fois à Mazatlan et Topolobampo était soupçonné d’être impliqué dans le transport de stupéfiants, ainsi plus de 80 navires ont été inspectés.  Dans cet état, considéré comme le berceau de l’empire de la drogue mexicain, s’est développé le cartel de Sinaloa, dont les chevilles ouvrières Miguel Angel Felix Gallardo, Joaquin « El Chapo » Guzman et Hector « El Guero » Palma, sont aujourd’hui en prison.  Selon les experts, et malgré l’augmentation du trafic aérien de cocaïne à bord des narcojets, la voie maritime reste la préférée et la plus efficace pour les barons de la drogue:  La soi-disant route de l’or du trafic de cocaïne en provenance d’Amérique du Sud utilise l’océan Pacifique.  De grands navires de transport arrivent au large de la côte du Chiapas (Puerto Madero), Oaxaca (Salinas Cruz), Nayarit (San Blas), Sinaloa (Mazatlan) et Baja California Sur (Los Cabos) et sans toucher le port, déplacent le de la cocaïne avec des vedettes, qui sont responsables du transport de l’alcaloïde vers la terre.  Il y a aussi des bateaux qui pénètrent dans le golfe du Mexique et débarquent de la cocaïne devant les ports de Veracruz et d’Altamira, à Tamaulipas.  Une des voies utilisées pour faire passer la drogue du Guatemala au territoire mexicain, est basée sur le port d’Ocós, dans le Pacifique guatémaltèque.


De là viennent des vedettes qui arrivent pour débarquer la drogue dans une zone appelée Mer Morte, dans ce qui serait la frontière maritime du Chiapas et d’Oaxaca.  En novembre 1996, la communication journalistique d’un rapport du Bureau du Procureur général a révélé l’existence de « narcosubmarinos » compacts et miniatures, télécommandés sans équipage humain, qui ont déplacé la cocaïne de la Colombie vers l’Europe et les États-Unis, en utilisant le Mexique comme un pont (à gauche un des tous premiers modèles saisis, le plus souvent simplement remorqué derrière un cargo).  Selon les informations, les sous-marins intelligents, de seulement cinq à six mètres de long, sont équipés de systèmes électroniques très avancés, ce qui leur permet de naviguer de façon autonome, en bordure de la côte.


Ils utilisent une technologie similaire à celle utilisée par la NASA, ont une coque en fibre de verre, très difficile à détecter par les radars terrestres et la garde côtière » (à gauche un des plus récents capturé en Equateur, sous-marin véritable désormais, capable de plonger comme un « vrai ».  Les derniers modèles sont soit « stealth » soit.. électriques !). « Ils partent de certains ports colombiens et se dirigent automatiquement vers leur point de rencontre en haute mer, où ils sont attrapés par de grands navires qui transportent la drogue vers leurs destinations.  Après la prise du seigneur de la drogue Juan Garcia Abrego, dont l’organisation avait compté parmi ses collaborateurs de hauts fonctionnaires de la classe politique de salinismo, y compris le numéro deux de six ans, José Córdoba Montoya, homme d’affaires et banquier Carlos Cabal Peniche et Raul Salinas de Gortari, le frère de l’ancien président, témoins dans le procès qui a suivi à Houston a révélé que le cartel du Golfe est aidé par des membres de la marine mexicaine et la Garde nationale des États-Unis.  Dans une déclaration sous serment, Carlos Rodríguez, condamné à 62 ans de prison pour avoir introduit cinquante tonnes de cocaïne aux États-Unis entre 1986 et 1993, a déclaré Garcia Abrego, membre du cartel de Cali, avait trois ranchs dans la municipalité de Soto de la Marine, Tamaulipas, où la drogue colombienne arrivait.  Selon Rodriguez, les officiers de la Marine du Mexique ont traversé la drogue de Tamaulipas au Texas. 


Déjà à Houston, des membres de la Garde nationale des États-Unis transportaient de la cocaïne dans des remorques de l’armée américaine ».  Bref, tout était déjà décrit (le trafic ET la corruption) dès 1997.  Et juste après, c’est la surveillance plus poussée des mers qui a relancé le trafic par avion, et par jets ou par avions plus petits comme on va le voir… Plus de 20 ans dont que cela dure, et que rien n’a été fait… ou presque : la « Guerre à la drogue » déclarée par les USA est visiblement un échec total, au vu de la progression hallucinante du trafic ! On découvre vraiment en Europe ce trafic maritime en 2000 avec l’arraisonnement du cargo Privilege lors de l‘opération Oyster (Huître) elle même incluse dans l’opération Operation Orinoco, liant le Venezuela, la Colombie, les Etats-Unis, l’Italie, le Panama, la France, la Grèce et l’Espagne.  Saisi au large des Canaries, en provenance du Venezuela et en direction de l’Italie; à bord il contenait 5 tonnes de cocaïne très bien dissimulée.  En réalité, l’année précédente un autre cargo, le Tammsaare, arrêté au même endroit (Las Palmas) avait dissimulé 9,8 tonnes au total de coke, un record à l’époque.  Le  Tammsaare, sera transformé en Galice en centre de formation contre les toxicomanies… !!!

Vous avez dit corruption ? Le mot est faible !


Payer les fonctionnaires du gouvernement pour avoir la paix était en effet une pratique courante (on verra plus loin que ça ira jusqu’à leur offrir des jets, parfois !).  Selon le magazine Forbes, en effet (…) « Guzman payait de gros pots-de-vin, selon le Times.  Par exemple, en 2008, Noe Ramirez (Mandujano, ici à droite), le tsar de l’anti-drogue du président Felipe Calderón, a été accusé d’avoir accepté 450 000 dollars chaque mois.  De tels paiements ont été faits à de nombreux niveaux du gouvernement ainsi qu’aux fonctionnaires de la police et de l’administration pénitentiaire – le Times fait le point sur l’expérience pénible de Guzman et les 3 millions de dollars versés pour faciliter son évasion sans douleur.  Il n’est pas surprenant que ces paiements s’étendent aussi bien aux États-Unis. 

Le Times rapporte que le prix pour les États-Unis pour que les gardes-frontières ferment les yeux à un point de contrôle est de « quelques milliers de dollars ».  Mandujano (procureur au cours du mandat de Vicente Fox) ne tombera qu’en 2008, lors de l’Operación Limpieza, laissant son organisme, la SIEDO, l’anti-crime mexicaine, exsangue, avec 35 hauts responsables arrêtés et le président Calderon complètement désorienté, ne sachant comment négocier une aide supplémentaire aux USA après un tel désastre moral.  Le chef de l’anti-drogue renseignait en fait le cartel des frères Beltrán Leyva !!!  Or Mandujano, malgré ça, est sorti de prison en avril 2013, après n’avoir été condamné qu’à 5 années de détention et effectué quatre ans, trois mois et 25 jours derrière les barreaux,..  Pas assez chez payé pour beaucoup… a peine sorti, il réglait ses comptes avec Felipe Calderon : »quelques heures après sa sortie de prison, l’ancien fonctionnaire a déclaré que l’ancien président Felipe Calderón a trompé le peuple du Mexique dans sa guerre contre le crime organisé et a appelé l’ Operación Limpieza une « farce ».  « Ils ont trompé le peuple mexicain.  Ils voulaient lui faire croire qu’ils travaillaient vraiment, qu’il mettait en prison des fonctionnaires injustes alors que c’était le contraire.  Et pas à propos de moi, mais en mettant en cause d’autres fonctionnaires qui ont travaillé dur pour le Mexique « , a-t-il dit.  Un désastre, ai-je dit, un désastre !!! Felipe Calderon a sévèrement été battu aux élections de 2012 par Enrique Peña Nieto.  Pas sûr que ce dernier soit à la hauteur de la tâche, depuis.  Elle est immense !!!

La corruption, l’entrisme des narcos… et la DEA


Et comme rien n’est simple, dès que l’on touche à la cocaïne et aux sommes colossales qu’elle génère, un problème supplémentaire s’est ajouté le 4 décembre 2013 au cas Noé Ramírez Mandujano.  Celui d’une employée de l’ambassade US, consultante en sécurité du département d’Etat au service des États-Unis qui aurait été la taupe des narco-trafiquants au sein même de l’ambassade :  elle travaillait aussi pour eux, selon un repenti.  Le cas de l’agent Beatriz Veramendi est intéressant, car les USA ont tout fait pour l’ignorer ou minimiser son rôle.  Or elle avait connaissance des dossiers sensibles et son activité aurait été douteuse, ayant permis de faire échouer certaines arrestations surtout concerna le clan Beltran Leyva pour lequel elle travaillait semble-t-il  : « les éléments de preuve suggèrent que les renseignements divulgués lors de cet incident ont ensuite été fournis à des généraux mexicains qui sont maintenant inculpés pour avoir protégé le cartel Beltran Leyva et pour avoir fourni des informations sur les opérations militaires à la même organisation criminelle ».


Une partie de la preuve pénale semble avoir été corroborée par Edgar « Barbie » Valdez, ancien agent de Beltran Leyva » (ici lors de son arrestation avec son arsenal personnel devant lui). « Après son arrestation il y a deux ans, Valdez a été présenté par DeadlineLive.info en tant que double agent de la DEA. Le mois dernier, Valdez a écrit une lettre indiquant les noms de plusieurs hauts généraux mexicains, sénateurs et autres agents publics, y compris le procureur général lui-même qui organisaient ds réunions avec les chefs de cartel de la drogue et des représentants du gouvernement, et peut-être même offraient une protection aux cartels de la drogue. Valdez lui-même a assisté à ces réunions et a fourni des informations DEA via sa messagerie. Selon Rolling Stone, les messages textuels allaient à son frère, un officier de police à Laredo, au Texas. Ensuite, l’agent transmettrait les messages à la DEA. La semaine dernière, la nouvelle administration de Enrique Peña Nieto a annoncé que les accusations portées contre les officiers militaires supérieurs seront supprimés en raison de « preuves insuffisantes ». Cela commence à ressembler à une dissimulation importante en cours » concluait plutôt amer Deadlinelive.info. Les narcos auraient réussi à infiltrer indirectement jusque la DEA, en quelque sorte, du moins à l’intoxiquer  ! Au final, le procureur Murillo Karam était en effet intervenu pour demander que Veramendi soit libérée, « faute de preuves suffisantes » contre elle. Un double jeu possible et envisageable de l’agent Veramendi auprès du clan Beltran Leyva ?

Une organisation tentaculaire


L’organisation d’El Chapo, c’est simple, avait tout envahi.  Au total, on découvre donc sans surprise dans le pays 288 sociétés appartenant à El Chapo Guzman, via des hommes de main tel que Daniel Lombardi. Un partie est managée par José Miguel Handal Pérez du gang ultra-violent de Los Cachiros.  Dans l’inventaire à la Prévert des biens d’El Chapo, on trouve  un club sportif complet, à Ojos Negros, dans l’état de Baja California, des sociétés pharmaceutiques telles que Geofarma et Distribuidora Médica Hospitalaria, des liens avec l’homme d’affaires mexicano-colombien Hugo Cuéllar Hurtado et ses 11 entreprises, parmi lesquelles il y a des ranchs de chevaux et d’autruches, au Mexique et en Colombie (et aussi des parts dans l’Hôtel Paraíso Resort en particulier), mais aussi des stations-service, des sociétés immobilières et la société Minerales Nueva Generación.  Un autre affidé, Jorge Milton Cifuentes Villa, détenait 54 entreprises dont la compagnie aérienne Lincandisa à Quito.  Au Guatemala, c’est Guatemala, Guzmán Loera et Marllory Dadiana Chacón Rossell, qui sont à la tête de 28 entreprises.  Sont cités aussi Waldemar Lorenzana Lima, responsable de 8 sociétés, et au Belize, le cartel de Sinaloa mène à John Angel Zabaneh, propriétaire de cinq sociétés de tourisme et de chimie.  Honduras, Belize, etc… tous les endroits des atterrissages dont je vous parle depuis des années maintenant.  C’est bien la même histoire…unique.

Le Cessna 206, l’avion préféré des trafiquants



Le ministère des armées mexicains (Sedena) et la police finissent par faire le bilan en 2016. Leurs chiffres sont ahurissants :  de 2006 jusqu’en 2015, les autorités militaires mexicaines ont saisi la bagatelle de 599 avions appartenant à l’organisation de Guzman ! En comparaison, la plus grande flotte commerciale du pays en compte 127 seulement (3), c’est Aeroméxico bien entendu. L’armée a aussi établi une cartographie intéressante, qui révèle que l’organisation de trafiquants utilise pas moins de 4 729 pistes clandestines (celles recensées en tout cas ayant entre 500 mètres et un kilomètre de long), qui sont situées principalement dans les montagnes sierras dans des états du nord du pays.


La Sedena a déterminé que les routes de la drogue décollent principalement en effet des sierras de Sinaloa, Chihuahua et Durango, regroupées sous le nom de Triangle d’Or ; et qu’elles arrivent plutôt dans les Etats de Baja California et de Sonora (ici un atterrissage du XA-TNK sur l’une des pistes de Durango : c’est sportif, là c’est le XA-BPJ).  En 2016, 55 avions ont ainsi été saisis, contre 544 ces 10 dernières années. En 2008, le chiffre était déjà monté à 284.  Sur les 599, 13 seulement sont des hélicoptères : trop difficile à mettre en place, mécaniquement complexe et cher à l’achat même en occasion, en rapport à sa capacité d’emport, il n’a pas la cote.  Géographiquement, la grande majorité des saisies a été effectuée dans trois municipalités de l’Etat du Sinaloa:  Culiacán, Navolato et Ahome.


Les pistes découvertes ces dernières années sont situées à Badiraguato, Guadalupe et Calvo, Guachochi et Tamazula (on en reparlera), des municipalités situées dans la Sierra Madre Occidentale.  Les terrains d’atterrissages près de la frontière occupent 50,7% de toutes les pistes clandestines au Mexique.  Reviennent le plus souvent les noms des villes d’Ensenada, Mexicali et Tijuana, en Basse-Californie; Alamos, Caborca, Nogales et Santa Ana, dans le Sonora; Badiraguato, El Rosario et Culiacán, dans l’Etat de Sinaloa; Guadeloupe et Calvo et Guachochi, à Chihuahua; Tamazula, à Durango et La Paz, en Baja California Sur.  Tous ces avions confisqués représentent un volume important qui encombre les aéroports où on les regroupe (voir ici et là également) : les avions saisis on donc été au fur et à mesure revendus en partie : il y en a eu 105, dont les modèles les plus courants sont des Cessna, des Rockwell (Aero et Turbo Commander), des Gulfstream (de tous les types, à turbopropulseurs comme à réaction), des Piper et de Beechcraft.


La vente de ces appareils a rapporté 81,654 millions de pesos. C’est à dire assez peu, au regard du nombre d’avions : cela fait 4,4 millions de dollars au cours actuel (en moyenne 400 000 euros donc, alors que cela comprend des jets neufs valant parfois 5 fois la somme totale).


Le document de la Sedena est vraiment plein d’enseignements.  Il établit aussi une typologie des avions, dont le modèle le plus répandu, on s’en doute, est le Cessna 206 : sur les 105 avions revendus il y en a 60 qui étaient des Cessna de ce modèle précis (ici deux photos de l‘une des plus récentes saisies : le Cessna XB-JSO surpris avec 400 kilos de cocaïne  découvert à Sierra de Lobos, le 11 septembre 2017, où il est resté coincé, après un atterrissage forcé effectué de nuit).


Les raisons de son usage immodéré par les trafiquants sont connues : l’avion possède des portes latérales doubles et permet le chargement et le déchargement des paquets plus rapidement.  Mieux encore, puisqu’il, il existe des kits pour un réservoir supplémentaire ou pour augmenter la taille de son aile (des extrémités d’ailes supplémentaires), pour permettre de décoller mieux et parcourir de plis longues distances :  les engins ainsi équipés font jusqu’à 1 300 kilomètres.  Autre avantage c’est un avion STOL, qui, équipé de pneus basse pression, peut se poser partout et surtout sur des pistes de terre.


Un bout d’aile d’Air Research Technologies Inc de Cessna 182, ici en cours de montage en atelier (ici au sol, remonté).  Les kits d’agrandissement des ailes, certains semblent avoir oublié qu’elles modifient aussi l’envergure (une vidéo impayable)… Plus sérieusement, les atterrissages avec des avions modifiés ou non, dans le Triangle d’Or, sont dangereux : fin juillet 2017, le Cessna XB-MUM, un modèle U206G, s’y est écrasé, il y a eu 7 morts.

PS : On aura aussi noté l’usage de fausses immatriculations en auto-collants chez les narcos : si vous regardez-bien, deux avions peints différemment dans cette page présentent la même immatriculation (XB-NJR)…

(1) le juge fédéral, Vicente Antonio Bermudez Zacarias, âgé de 37 ans seulement, qui a été tué d’une balle à bout portant le  lundi 17 octobre 2016 à Metepec, à l’ouest de Mexico.  Le juge avait comme autre dossier à suivre celui du groupe de Los Cuinis « le cartel le plus riche du monde« .

(2) Lire la suite à propos de lui

Guatemala, Pérou, Bolivie… et le spectre d’Amado Carrillo Fuentes, inventeur du système

Dans les années 70 et 80, l’homme fort était bien sûr Pablo Escobar, mais un autre avait pris le relais, le mexicain Amarillo Carillo Fuentes, créateur du gang de Juarez, devenu le Cartel du Golfe. C’est lui le grand inventeur véritable de la saga des avions gros porteurs : il fera acheminer sa cocaïne par 747 ! Ses avions, il les achetait avec de l’argent blanchi, et pour cela avait dû s’assurer des protections au sein des banquiers, mais aussi du pouvoir en place dans le pays où il sévissait. Notamment en Bolivie et au Pérou, d’où émanait en grande partie alors la drogue qu’il importait. Le pays a été ravagé par cet apport d’argent : on pense que pour sa flotte de Boeing, notamment aussi des B-727, l’homme a investi pas moins de 20 millions de dollars. Résultat, trop de personnes ont ét impliquées et ont gardé disons de bien mauvaises habitudes. Aujourd’hui qu’il est mort (en 1997) d’autres ont repris le flambeau. Et comme pays corrompu, c’est le Guatemala qui tient le haut de la rampe actuellement. Cette passerelle naturelle vers le Mexique est une véritable passoire à avions de transport de cocaïne. Etat des lieux d’un des pires Etats de la planète sur le marché de la drogue : on parle souvent du Mexique, mais le Guatemala en prend aujourd’hui le chemin.

« La carcasse carbonisée d’un petit avion apparemment utilisé pour le trafic de drogue a été retrouvée à un endroit isolé dans la province septentrionale de Peten, au Guatemala, ont annoncé les autorités vendredi. Les restes de l’avion ont été découverts jeudi dans La Laguna del Tigre, selon l’accusation.


Les enquêteurs pensent que l’avion est arrivé à Peten il y a deux semaines, transportant une cargaison de drogue à destination du Mexique voisin. L’avion a atterri sur une piste d’atterrissage clandestine à environ 1,8 miles (3 kilomètres) de la frontière mexicaine, selon les procureurs, qui ont dit qu’un autre avion du trafic de drogue avec la Colombie a été trouvé dans la même région il y a quatre jours. Les autorités ont également ont saisi quatre véhicules et un fusil d’assaut AK-47 pendant les opérations de La Laguna.


L’année dernière, la police guatémaltèque a détruit 15 pistes d’atterrissage clandestines dans le Peten (ici un exemple de piste récente découverte). Le Guatemala est devenu un pays de transit pour les trafiquants de drogue qui essaient de passer de la drogue d’Amérique du Sud aux États-Unis. Entre 300 et 400 tonnes de cocaïne, selon l’ambassade des États-Unis, traversent chaque année au Guatemala ».


L’avion calciné a été incendié après son atterrissage raté dans une zone plutôt marécageuse. Son nez plongeant et surtout son envergure et l’architecture spécifique de ses ailes, en particulier le décrochage extérieur aux fuseaux moteurs permet de le classer comme étant un Beechcraft King Air 200, très certainement. Un des favoris des transporteurs de coke.


Des avions de ce type, il en a plus récemment dans le pays. Lors d’une opération de « nettoyage » des pistes clandestines, au même endroit, en 2006, au parc Laguna del Tigre, on est effaré par les images prises par les militaires guatémaltèques. Une queue qui surgit des fourrés, sans indentation au gouvernail (comme le Cessna Conquest), c’est celle, élancée, d’un Piper Navajo, qui se négocie en modèle ancien des années 70 aux alentours de 100 000 dollars, la palme revenant à ce modèle à 57 000 seulement. « Remboursé » sur une seule mission à plus de 1000 kg de cocaïne, l’engin est le plus souvent sacrifié ! Et surtout on découvre une photo de moteur qui intrigue. Ce n’est pas celui d’un Beechcraft : le fuseau reconnaissable est celui d’un bon vieux Dart Rolls Royce, reconnaissable à son entrée d’air supérieure, qui n’a pas équipé beaucoup d’avions. Le Bréguet Alizé français, entre autres, mais il était monomoteur, et le Vickers Viscount et l’Argosy, deux quadrimoteurs.


Or là on a affaire à un bimoteur, et la liste se raccourcit sérieusement. Il a équipé des avions à aile haute : le Fokker F-27 et l’Handley Page Dart Herald, mais l’aile visible sur les vestiges est bien plus basse. Une autre possibilité encore étant une conversion faite à une époque sur les vieux Convair 240 qui pullulaient à vrai dire en Bolivie, à Cochabamba notamment et à la Paz. Les modèles 600 et 640 furent en effet munis de ce turbopropulseur, mais leur aile était bien plus épaisse et non munie de dégivreur (la bande noire sur le bord d’attaque, ce que possède bien le Gulfstream 1). Reste le DC-3 rééquipé, mais ses moteurs sont plus longs, et trois modèles à aile basse : le Hawker Siddeley Andover, de l’armée britannique, la version militaire du HS748, le japonais NAMC YS-11 et le Grumman G-159C Gulfstream 1. Pour avoir vu dans un obscur hangar au Vénézuela, à San Tomé Anzoategui, un modèle de ce type, qui n’est pas très fréquent, (il a été construit à 200 exemplaires à partir de 1958 !) on peut raisonnablement penser à ce type d’engin. Surtout qu’au même endroit résidait des Piper Navajos… Serait-ce, dans ce cas, les vestiges de notre Gulfstream YV-1020 intercepté le 26 septembre 2005 par les Cessna T-37 de l’armée colombienne, avec deux tonnes de drogue à bord ? L’appareil avait été déclaré officiellement « détruit »... mais visiblement, il était encore intact, dans son hangar, un an avant la découverte de cette épave !!! Voilà qui mêle clairement le Vénézuela à la danse des états… douteux ! Les avions tombent-ils au Guatemala comme une invasion de crickets bimoteurs sur la côte de l’Afrique de l’Ouest ? C’est fort possible, comme le dit Boston.com en 2005, et la raison est… essentiellement historico-politique…


Dans le Los Angeles Times de juillet 2008, le cas du département de Peten avait été bien décrit : c’est devenu un véritable porte-avions de trafiquants. « De retour dans la capitale, Guatemala City, à 200 miles au sud,les responsables de la sécurité pensent que Peten est un vaste « Aérodrome » où les avions de tailles différentes se posent sur des champs herbeux taillés dans la forêt ancienne empruntés par des trafiquants de drogue se présentant comme les éleveurs de bétail. » L’avion arrive, et ils enlèvent les clôtures des pâturages et en un instant ils ont une piste d’atterrissage », dit un analyste de la sécurité et ancien militaire qui parle sous couvert d’anonymat par crainte des représailles des puissants barons de la drogue. Les avions de déchargement en 10 minutes environ, et font le plein avec le carburant d’aviation transportés dans des camionnettes. A une époque, environ 40 bandes clandestines et des aérodromes de fortune étaient situés dans le secteur de Peten, selon un responsable de la sécurité guatémaltèque qui demande de ne pas être nommé parce qu’il n’est pas autorisé à s’exprimer publiquement. Les bandes varient en longueur de 2 2500 à 4 500 pieds.


« Les pilotes volent très bas au-dessus de la jungle, et nous ne pouvons pas les voir parce que notre radar est aveugle à moins de 400 mètres de haut », soit environ 1.300 pieds, dit. le fonctionnaire « Ce sont de réels kamikazes. » Conclusion : la frontière nord du Guatemala est un gruyère. Mais il n’y a pas que ça qui facilite la tâche des trafiquants. PS : On notera que la zone n’a pas changé d’usage : le 28 juin 2017, un Cessna immatriculé TG-NGI, y était retrouvé au bord d’un champ, à moitié dissimulé aux côtés d’une piste clandestine, une de plus. A bord 300 paquets de cocaïne. En octobre 2017, le parc était en tête du nombre de pistes clandestines dans le pays : on y en avait dénombré 65  (la photo date de 2013) !!!


En 2004, voilà en effet comment on analysait le cas du pays: « Les fonctionnaires d’ici disent que la faiblesse du système judiciaire du Guatemala est une autre attraction pour les trafiquants de drogues internationaux.


Dans les rares cas où les trafiquants sont pris au Guatemala, ils ont été réfutés avoir pour corrompu leurs gardiens pour leur sortie de prison. Les responsables américains ont été scandalisés etsoupçons de corruption récemment quand un associé connu d’Herrera a été soudain libéré. Les experts du trafic de drogue disent que les cartels colombiens semblent avoir trouvé le même terrain fertile au Guatemala qu’ils avaient trouvé il y a une décennie au Mexique. Avant sa mort en 1997, Amado Carrillo Fuentes, l’un des trafiquants les plus notoires du Mexique, avait été le pionnier de l’utilisation du Boeing 727 pour les envois énormes de cocaïne de la Colombie au Mexique. Maintenant, il c’est au tour du Guatemala, disent ces experts ». Il est vrai que Carrillo Fuentes avait eu de l’avance sur les autres. Fuentes, leader du Cartel du Golfe, le « roi des airs » de l’époque, qui utilisait aussi bien les hélicoptères que les gros porteurs pour acheminer sa drogue. Celui qui avait tout inventé, en réalité : lui, était allé plus loin que les autres. Surtout dans ses relations avec les chefs d’état corrompus !



Les gros porteurs, au temps de Fuentes, avant d’être à réaction étaient à hélice : l’un des plus gros était le DC-6, quadrimoteurs, un appareil dépassé seulement par le Constellation. « Le 15 Septembre 1995 les agents des narcotiques prouvaient le lien entre la ville de La Paz, en Bolivie et Mexicali (en Basse Californie), et à Lima, au Pérou, où ce DC-6 d’Aerobol a été capturé transportant 4,1 tonnes de cocaïne dissimulés dans des bijouxd’artisanat et des meubles. Il y avait à ma connaissance, au moins quatre vols qui avaient traversé la moitié de la Bolivie et le continent précédent pour rejoindre les aéroports de La Paz et de Mexicali. Les vols charters de la compagnie aérienne nationale Lloyd Aereo Boliviano (en 727), transportent également de la cocaïne sur le marché américain. Dans tous ces opérations identifiées comme étant signées d’Amado Carrillo, plus connu comme « Le Seigneur du Ciel », dont le surnom vient, à l’ origine, de sa flotte aérienne et de ses compagnies d’aviation. La drogue avait été saisie sous la pression de la DEA. L’avion saisi par les autorités péruviennes a êté identifié provisoirement comme étant le PNP-236. En Février 1996, l’avion a été transféré à la Force aérienne du Pérou, au Groupe 8, qui l’ enregistré comme FAP-381, mais elle n’avait ni la technicité et ni les équipages formés, pour répondre aux besoins de la machine. L’un des leaders de l’unité ci-dessus, a décidé, à une date non précisée vers 2003 d’orner les jardins de la base avec quelques avions, dont ce fameux DC-6.  Aerobol était pionnière d’un autre genre : elle utilisait aussi des Antonov-2…


Pour beaucoup c’était donc transparent : or, des années après, on a découvert que c’était tout autre chose. Et le démontage de l’affaire explique beaucoup de choses sur les protections dont avait bénéficié Fuentes, en plus haut lieu : quand je vous dis qu’il a été le véritable précurseur, ce n’est pas rien. Lorsque les agents des narcotiques montent à bord de l’appareil, le pilote est encore en train de parler à la radio avec Luís Amado Pacheco, qui est déjà le «  boss of the export organization. »L’homme est aussitôt arrêté à la Paz, en Bolivie, avec Luís Fernando Rivero Liendo. Or à partir de là, tout s’emballe : le 31 octobre, le lieutenant de police au nom prédestiné Jorge Luís Castelú Coca, commandant de la lutte antidrogue péruvienne (Special Force to Fight Drug Trafficking ou FELCN) révèle que l’opération a été supervisée par un de ces hommes, Armando Moscoso, mais que la mission a été interrompue.. par les policiers de l’aéroport, qui n’étaient pas au courant et qui ont trop bien fait leur travail ! Le Col. Figueredo Pizarroso, responsable du faux envoi de vrai coke, donc, a décidé de tout arrêter afin de ne pas mouiller ses propres hommes. Quelque chose cloche dans ces étranges déclarations. Le pouvoir de la coke est tel qu’il ne peut s’établir durablement dans un trafic soutenu qu’avec l’aide de personnes très bien placées. Fuentes l’a très bien compris, qui arrose tous azimuts les politiques pour pouvoir effectuer son trafic en paix. En Bolivie ; il va bénéficier d’un gouvernement de rêve pour cela, celui d’un dictateur corrompu.


Car le tout est supervisé par le directeur de l’anti-drogue (DINANDRO) Gonzalo Butrón Sánchez, qui travaillle en collaboration étroite avec la DEA américaine. Si cela cloche, cela inclus donc aussi la DEA ! Il faudra attendre quinze années pour qu’en Bolivie, Luís Amado Pacheco Abraham, alias « Barbaschocas » (Barbe Blonde, décédé en 2012, ici à droite) avoue que son père Luís Amado Pacheco avait bien acheté la drogue (4 173 kilograms de chlorohydrate de cocaine !) péruvienne et l »avait fait voler dans le DC-6, direction le Mexique puis les Etats-Unis. Pacheco junior sera lui même arrêté en 1984 par la DEA, à Chimbote (au Pérou), avec deux mexicains et trois péruviens détenteurs de 864 kilos de coke, valant un million de dollars. Une drogue disposée… dans l’avion présidentiel ! L’opération tortueuse avait été imaginée en Bolivie par Alejandro Pacheco Sotomayor, pour se faire bien voir auprès du colonel Luís Arce Gómez, ministre de l’intérieur du pays et son supérieur hiérachique. L’homme avait été nommé Inspecteur Général du ministère de l’intérieur au sein de l’organisation du général Luís García Meza Tejada, et il était celui qui était en fait à la tête du réseau de drogue bolivienne ! Parmi les personnes mises en cause à l’époque, figurait Víctor Hugo Canelas Zannier, le premier secrétaire de l’ambassade bolivienne au Vénézuela. L’état bolivien était bel et bien noyé jusqu’au coup dans l’affaire!


On s’en doutait un peu à voir qui avait pris le pouvoir et comment : l’ancien général devenu dictateur Luís García Meza Tejada, arrivé au pouvoir grâce à son « Cocaine Coup » du 17 juillet 1980 avait comme homme de main un dénommé « Altman », en réalité Klaus Barbie, l’ancien chef de la Gestapo de Lyon et Stefano Delle Chiaie, néofasciste avéré et membre du Gladio ! Il sera remplacé par Jaime Paz Zamora en 1986. Auparavant, il livrera Arce Gomez aux USA, et ce, dès 1981, de manière à éloigner surtout la DEA. Son successeur, Zamora, président de 89 à 93, se prit à défendre la culture de la coca… au nom de la défense des indiens (lui aussi !), et le trafic reprit... jusque dans ses proches collaborateurs. Lui succédera Gonzalo Sánchez de Lozada Sánchez Bustamante de 1993 à 1997 puis de 2002-2003 ; avec comme intermède le retour…. d’Hugo Banzer, formé à Fort Hood ! Pas de quoi donc inquiéter vraiment les trafiquants !




Les lourds soupçons de connivence avec le pouvoir s’étaient renforcés et confirmés le 2 avril 1985, jour où un avion de la compagnie Taurus avec 1 161 kilogrammes de cocaïne à bord est intercepté, avec deux chefs de cartel à l’intérieur : ce sont en réalité deux officiers de l’armée bolivienne : le lieutenant colonel Gustavo Céspedes et le colonel Víctor Hugo Marcowsky, rien de moins que le responsable de la sécurité de l’aéroport de Cochabamba qui collectionne les vieux DC-3 et les antiques C-46 que prisaient tant les cartels (et la CIA !) tel que notre fameux Carlos Lehder !


Lors de l’arrestation, le directeur départemental des narcotiques péruvien, le Col. Erwin Caballero Saucedo faisait partie du lot, dans un premier temps, mais il sera relâché et recevra même 250 000 dollars pour sa « protection » : à savoir pour qu’il ne parle pas et ne fasse pas remonter l’enquête jusqu’au… Colonel Luís Arce Gómez. L’Etat bolivien vacille à ce moment-là, il est bien devenu un narco-état sous la férule de son dictateur. Mieux encore avec le cas de Rogelio Suárez Cabrera, qui réussit carrément à s’échapper du commissariat général de Cochabamba : or selon l’enquête, c’était l’homme qui organisait le trafic. Il évidemment été aidé pour le faire.


Et ce n’est pas fini : en septembre 1986, un scientifique, le naturaliste Noel Kempff Mercado et ses compagnons sont assassinés pour s’être approchés un peu trop près par mégarde d’un énorme complexe de fabrication de coke à Huanchaca. Une piste juste à côté de l’endroit où était fabriquée la cocaïne permettait à des DC-3 ou à des C-46 de se poser pour embarquer la cocaïne ! Un véritable massacre, organisé par les barons de la drogue par peur de voir l’emplacement de leur véritable « usine » révélée. Malgré le scandale, l’affaire est promptement enterrée par le pouvoir. De façon scandaleuse : « en se prononçant sur l’affaire de 1986 impliquant le meurtre à Huanchaca d’un éminent spécialiste de la Bolivie, son pilote, et un guide, la troisième cour pénale de Santa Cruz a rendu un verdict de culpabilité en avril 1988 à l’encontre de dix Brésiliens et d’un Colombien, en plus d’un Bolivien prétendu mort. Le tribunal a toutefois rejeté les accusations contre cinq autres suspects boliviens, y compris plusieurs trafiquants bien connus. La libération de deux des suspects par les juges de Santa Cruz a amené la Cour Suprême deJustice à demander la démission de tout le système judiciaire de Santa Cruz en raison de sa clémence envers les trafiquants de drogue ». Nous sommes au début des années 90 et l’état Bolivien est toujours le même, malgré le changement de président : on ne lutte pas contre le pouvoir de la cocaïne  (depuis on a donné le nom de l’infortuné scientifique à un parc naturel) !!!


En 1995, un membre du congrès bolivien, Ramiro Barrenechea, aura le courage de dénoncer au sein de la FELCN, chargée logiquement de la lutte antidrogue d’un groupe de tueurs, un escadron noir d’extrême droite chargé de protéger les narco-trafiquants. Selon lui, « la police bolivienne, les militaires et des civils étaient tous en mèche avec les véritables usines à cocaïne localisées selon lui au Chili. » Entre temps, le roi des cieux chargés de nuages blancs de coke avait fait fortune et s’était offert un palais à sa dimension : une résidence rachetée à un riche américain loufoque, qui s’était fait bâtir un « palais des mille et une nuits » à 5 millions de dollars, avec toits caractéristiques, le tout situé à Hermosillo, près dans l’état de Sonora ! Une bâtisse gigantesque construite à deux pas de la maison du gouverneur de l’Etat ! En 1988, Jaime Figueroa Soto, le plus grand trafiquant de drogue de l’Arizona, juste à côté, était arrêté, mais toujours pas Fuentes.


L’homme avait bien gardé toute son avance sur ses concurrents, jusqu’au 4 juillet 1997, où une opération de chirurgie esthétique visiblement fort ratée avait eu de telles complications qu’elle l’avait emporté. Lui avait-on administré le mauvais médicament ? Nul ne le sait, mais en tout cas c’était bien lui… méconnaissable mais reconnu par son ADN ! Sur son certificat de décès, il était indiqué… « garçon vacher ». Soto, sorti 16 ans plus tard de sa prison sera expédié au Mexique en 2006 , où il était soupçonné avoir tué trois hommes. En 1998, pourtant, selon les Etats-Unis, l’armée mexicaine prêtait main forte aux trafiquants…


Le général Jesus Gutierrez Rebollo venait juste d’être arrêté en flagrant délit : la succession de Fuentes était effective ! Son correspondant d’alors s’appelait en effet… Vincente Carrillo Fuentes  : le frère d’Amado, devenu leader du cartel en remplacement du « roi du ciel ». Selon la DEA US, il continuait à payer des milliers de dollars chaque mois pour arroser les officiels… il avait si bien appris à le faire avec son frère.



Payer les politiques, les gens de l’administration et laver l’argent sale, grâce à des banquiers. En 1995, un petite banque mexicaine va s’en charger : la Grupo Financiero Anahuac. Or cette banque, diront les gens de la DEA, était étroitement liée au frère et au neveu du président de l’époque, Ernesto Zedillo Ponce de León, 34 eme président mexicain ayant travaillé à la Bank of Mexico et lui-même à l’origine à la tête du syndicat ouvrier le plus puissant du moment.


Il est devenu aujourd’hui membre du Center for the Study of Globalization à la Yale University à dénoncer les méfaits de la globalisation… devenir consultant économique pour conseiller le monde bancaire après avoir été proche des machines à laver l’argent sale : le paradoxe mexicain, on appelle ça ! Le relais mafieux va ainsi se passer de génération en génération : au sein de l’Anahuac Bank, un homme joue un rôle clé : Jorge Fernando Bastidas Gallardo, ancien dirigeant du syndicat des électriciens (SUTERM), et un ex-directeur de la puissante Commission Federal de Electricidad (CFE), lui-même homme de confiance de Leonardo La Guera Rodríguez Alcaine, qui protège lui un jeune trafiquant de drogue du nom de… Vicente Carrillo Fuentes Leyva, le propre fils du « Seigneur du Ciel »… le tout sous la bénédiction, donc, de Rodolfo Zedillo Ponce de León… après le frère, le fils. En photo, à gauche, l’arrestation de Vicente Carrillo; le  « narco junior » en février 2009.

Au Guatemala, tout avait en fait commencé en 1954 par l’action de la CIA, qui avait mis au pouvoir, on le sait, une sanglante dictature, celle de Carlos Castillo Armas, qui avait renversé Jacobo Arbenz Guzman. Là encore il aura fallu attendre longtemps pour s’en apercevoir. Des documents déclassifiés l’ont révélé à la face du monde, pourtant. Selon l’histoire, un seul de ceux soutenus par la CIA était mort dans le coup d’état : or ils avaient été 43 !


Un homme, Nick Cullather, va y revenir, et décrire à quel point l’intervention US avait été désastreuse pour le pays. « Il décrit les dirigeants installés par la CIA comme répressifs et corrompus. Le coup d’État, dit-il, a détruit le centre politique au Guatemala, qui « a disparu de la politique dans un silence terrorisé », et conduit à une série de gouvernements militaires brutaux et un « cycle de violence et de représailles « qui » a coûté la vie à un ambassadeur des États-Unis, deux attachés militaires américains et à 10 000 paysans au moins « dans les années 1960. »


La CIA n’a jamais appris de l’expérience, » conclut Nick Cullather, car le coup d’Etat du Guatemala est devenu un modèle pour la désastreuse équipée de la Baie des Cochons. » La légende a remplacé la réalité. C’est un cas classique de la CIA ne pas apprendre de sa propre histoire », une histoire qui a été secrète »… précise l’auteur. Selon le même auteur, Robert Gates, actuel responsable de la CIA, dans un mémorandum avait expliqué qu’il était vital d’agir ainsi, car, selon lui, «  l’Union Soviétique, sinon aurait transformé le Nicaragua en camp armé et fait du pays un second Cuba ». Le 2 avril 2009, l’arrestation de.- Vicente Carrillo Leyva, alias « El Ingeniero »sonnait comme un violent écho à ces paroles inquiétantes…. l’opération PB FORTUNE, 66 ans plus tard, exerçait encore des ravages. Exactement ce qu’a décrit Peter Scott Dale dans « Cocaine Politics : Drugs, Armies, and CIA in Central America » en 1991 déjà.



Les mêmes ravages qu’au Mexique : le 2 mars 2010, on arrêtait les deux grands responsables du trafic de drogue dans le pays : c’était Baltazar Gomez, le responsable de la police dans le pays et Nelly Bonilla, patron de la lutte antidrogue au Guatémala ! Deux jours avant, le président Alvaro Colom avait « démissionné » le ministre de l’intérieur Raul Velasquez sous accusations de corruption… l’histoire maudite du pays recommençait. Le 7 octobre, nouveau coup de tonnerre : on apprenait que l’unité d’élite guatémaltèque, qui s’entraînait régulièrement avec les américains, les fameux « Kaibiles »… travaillaient en fait pour le cartel mexicain de Los Zetas ! Les anciens porte-flingues du cartel du Golfe, devenus indépendants ! Les révélations explosives du Center for a New American Security (CNAS), dans un rapport écrit par Robert Killebrew, colonel en retraite de l’U.S. Army colonel, et Jennifer Bernal, a du CNAS, sonnaient comme un énorme explosion médiatique : c’était l’unité qui était le plus souvent envoyée pour débusquer les trafiquants…  Leur rapport est sans appel :  » le gouvernement notoirement corrompu du Guatemala a peu de contrôle sur sa frontière nord, qui est de plus en plus utilisée par les cartels et les gangs en tant qu’espace de refuge. Guatemala City connaît des niveaux records de violence et de criminalité, alors que la ville en même temps connaît un boom de grande ampleur de construction de bâtiments mais avec seulement un taux de 25 pour cent d’occupation, généralement un signe de mettoyage d’argent sale à grande échelle. Malgré les efforts déployés par les élus et les fonctionnaires, le Guatemala ne prend pas le chemin de la réforme dans le un proche avenir.L’effondrement civil ou le contrôle de la société civile et des institutions par les cartels de la drogue est possible, mais l’avenir le plus probable est que l’État luttera de manière inefficace et corrompue, et ne sera généralement pas en mesure de maintenir l’ordre, même dans les zones urbaines « . Le tableau est… tout simplement effrayant. Et pendant ce temps, comme en Afrique de l’Ouest, ça continue d’arriver… de Colombie, mais aussi du Pérou et de Bolivie, comme le révèle aussi Wikileaks.


Le 11 août 2009, dans un avion abandonné dans la prairie de la ferme La Flora » près de de la ville de Tiquisate, à 90 miles seulement de la capitale du pays, les policiers découvrent 728 kilos de cocaïne, rangés dans 21 sacs disposés dans les soutes de l’appareil, avec également à bord trois grands bidons vides de kérosène. Il y en a pour 8,8 millions de dollars. L’avion arborant le drapeau Colombien portait l’immatriculation EC-IBK. Son immatriculation est fausse : c’est celle d’un Beechraft King Air 350 Sud-Africain beaucoup plus gros (vu ici à Zaventem). Gros nez, montant central de pare brise, hélices bipales, antennes sur le toit, il s’agît en ce qui le concerne d’un vieux Piper Aztec. Vendu dans les 100 000 dollars en moyenne pour un appareil du milieu ou de fin des années 70. Une paille, au regard de son chargement ! Les ravages se poursuivent, donc, devant l’impuissance de l’Etat. Des ravages qui continuent : le 13 octobre dernier (2011, donc), un avion ayant décollé de l’aéroport de Tobias Bolaños à Pavas se crashait.


Le Piper Cherokee TG-CEB contenait 177 kilos de cocaïne, cachés dans les habituels bidons d’essence, et même dans les ailes ! En cherchant un peu, les policiers découvrent que l’avion a fait 10 allers-retours dans l’année, entre l’aéroport de Juan Santamaría, celui de Daniel Oduber Quirós dans l’état du Liberia, et Tobías Bolaños à Pavas. La destination de tous ses vols étant soit le Mexique soit… le Guatemala. L’avion était bien enregistré au Guatémala, mais était loué par une firme du Costa Rica, »Aerolineas Turísticas de América. »


Dans le hangar des narco-trafiquants, on trouvera deux appareils : un Piper PA-23-250 Aztec F (enregistré TI-ATI) et un Cessna 172B (sous ne numéro TI-ANB). Les appareils étaient censés appartenir à Aerovías Martruji (Martruji Airlines), Aerovías Isla del Coco (Coco Island Airlines), et même à un société nommée « Impulsadora Turística Del Pacífico » ! Le 27 mai 2009, le fameux TI-ANB  (ici à droite) avait fait un atterrissage d’urgence à La Uruca, et avait atterrit… sur une rue. Les trafiquants avaient-ils pris des leçons avec le « capitaine Tubiros », vu dans le reportage ? Avaient-ils eux-mêmes filmé l’essai de l’appareil ? Toujours est-il qu’ils démontrent avec brio que le spectre de Carillo Fuentes rôde bien aujourd’hui au dessus du Guatémala, qui devrait subir dans les mois à venir le même sort désolant que le Mexique, qui s’enfonce chaque jour davantage dans la violence.

TF121